SAUX Lucile
PINTO Alexia
La procréation médicalement assistée




Un couple en cours de procédure ( février 2016)
- "Comment t’es-tu aperçu de ta stérilité ? C’est une découverte récente ?
- Nous ne parlons pas encore de stérilité mais nous sommes considérés comme un couple en infertilité primaire. On parle d’infertilité quand au bout d’un an de rapports réguliers sans contraception, les essais ne mènent pas à une grossesse. On parle d’infertilité primaire puisqu’aucune grossesse n’est jamais parvenue au sein de notre couple. Au bout de 6 mois après l’arrêt de ma pilule, nos essais s’avéraient tous infructueux. Lors d’un rendez-vous chez mon médecin traitant, il m’a rassurée en me disant que souvent les effets des contraceptifs mettaient un certain temps pour s’estomper et que souvent les femmes peuvent mettre jusqu’à un an pour tomber enceinte. J’avais des règles extrêmement douloureuses à chaque cycle, et des douleurs aux ovaires assez insupportables. C’est à partir de ce moment-là que nous nous sommes aperçu que quelque chose n’allait pas, que nous avons été pris en charge par notre gynécologue et que les examens ont commencés. Cela va maintenant faire deux ans que nous sommes en essais bébé.
- Est-ce que la PMA vous a été recommandée ou au contraire c’est un choix que vous avez fait ? Pour entrer dans un parcours PMA (Parcours médicalement assisté), il faut d’abord passer par de nombreuses étapes et c’est toujours la gynécologue qui décide quoi faire. D’abord, il faut faire de nombreux examens pour tenter de découvrir la cause de cette infertilité. Est-ce un obstacle du partenaire ou de la partenaire ? ou bien des deux ? Les examens à faire en laboratoire : Pour lui : une sérologie complète (hépatite B, hépatite C, HIV etc…), un spermogramme et spermocytogramme (ou spermoculture), et test de migration de survie. Pour lui, tests assez concluants puisqu’aucun problème n’a été détecté. Pour moi : recherche d’endométriose (pas d’endométriose, ouf !), sérologie et test de Hunher. Ce dernier ne s’est pas avéré concluant. C’est à partir de ces résultats que nous sommes entrés en PMA. En fait, le test de Hunher permet de vérifier l’état de la glaire cervicale sécrétée chez la femme. Cette glaire cervicale est une sécrétion visqueuse qui obstrue l’entrée de l’utérus afin de la protéger contre l’intrusion des microbes. C’est le point de passage obligé que les spermatozoïdes doivent franchir pour remonter jusqu’aux trompes. Elle peut constituer un obstacle à la fécondation lorsqu’elle n’est pas de bonne qualité. La mienne s’avère être trop acide. Elle s’oppose aux déplacements des spermatozoïdes et les tuent. Il n’y a donc aucune fécondation possible. Ma gynécologue a donc choisi les IAC (insémination artificielle avec sperme du conjoint), pour pouvoir passer outre cette barrière et venir déposer les spermatozoïdes au fond de l’utérus et leur éviter une mort certaine J Un parcours administratif commence : constitution du dossier dans le laboratoire référent (les résultats des différentes prises de sang sont joints au dossier ainsi que la photocopie de nos deux pièces d’identité, et une demande commune pour une assistance médicale à la procréation signée par nous deux). S’ensuit un long rendez-vous avec le laboratoire. Nous avons attendu que le délai légal de réflexion d’un mois obligatoire ait été respecté et nous sommes enfin entrés en PMA.
- A quelle technique as-tu recours ? Est-elle douloureuse ?
- Nous avons recours à l’IAC (insémination artificielle avec sperme du conjoint). Cela consiste à injecter les spermatozoïdes « préparés » par le laboratoire dans la cavité utérine, le jour de l’ovulation. Le sperme de mon conjoint est préparé en laboratoire et ils ne gardent que les "champions". Les spermatozoïdes « sélectionnés » sont injectés dans mon utérus. Comment cela se passe : Stimulation ovarienne Le traitement commence du 2ème au 5ème jour du cycle (donc deuxième jour après les règles). Pour moi, ce sont des prises médicamenteuses (Clomid). Au 10ème jour, la surveillance de la stimulation commence. La gynécologue me donne un rendez-vous pour une échographie. Elle compte les follicules, évalue l’épaisseur de l’endomètre… Ledéclenchement de l’ovulation, lorsque la gynécologue pense que la stimulation a été bonne et que la maturation des follicules est suffisante, elle me demande de déclencher l’ovulation (on la déclenche pour être certain de ne pas la louper). J’effectue la piqure de l’Ovitrelle (ou je la fais faire à une infirmière). L’ovulation se produit 37 à 40 heures après cette injection c’est pour ça que la suite est toute calculée à l’heure près. On cale donc l’heure de l’insémination qui se fait le lendemain du déclenchement de l’ovulation. Le recueil et le traitement du sperme là c’est le travail de mon conjoint. Le prélèvement s’effectue après un délai d’abstinence sexuelle (2 à 6 jours). Le jour de l’IAC, il se rend donc au labo pour donner son sperme. Après recueil, son sperme est préparé au labo (sélection des spermatozoïdes les plus mobiles, aptes à féconder). Cette préparation prend deux heures. Pour procéde à l'insémination nous partons avec notre préparation chez la gynécologue. L’insémination se fait à l’aide d’un cathéter au fond de mon utérus. On dépose simplement les spermatozoïdes. On nous dit en général que l’IAC est indolore mais cela dépend. La première IAC, je n’ai rien senti. La deuxième j’ai eu plus mal. C’est un mauvais moment à passer. Ce n’est pas agréable. Après l’insémination, on attend cinq minutes. Mais sinon, aucune précaution particulière n’est à prendre. Il faut vivre normalement. Et essayer de ne pas trop penser (chose plus difficile).
- Y-a-t-il des effets secondaires ?
- Il y a des effets secondaires surtout pour la stimulation par comprimé. Cela dépend d’un cycle à l’autre mais dans la plupart des cas, la prise de ces comprimés s’accompagne d’une grande fatigue, une irritabilité, des douleurs dans les ovaires. Tout ceci est tout de même largement supportable. Sinon après l’IAC, on ne ressent aucun effet.
Est-ce que tu as appréhendé le premier essai ? Tout est allé tellement vite après l’acceptation du dossier PMA que je n’ai pas eu trop le temps de stresser. J’y croyais beaucoup pour le premier essai alors qu’on nous avait prévenus des faibles taux de réussite. J’étais donc plus dans un état d’euphorie que de stress.
- Comment tu qualifierais cette procédure d’un point de vue moral ?
- C’est difficile, très difficile à supporter moralement. Les médicaments, les rendez-vous, les examens sont vraiment lourds à supporter à long terme. C’est pour cela d’ailleurs que des périodes de repos sont conseillées entre les IAC.
-As-tu eu besoin de t’adapter professionnellement par rapport à cette procédure qui te prend du temps?
-Oui, et cela aussi est très dur à gérer. Il faut caler des rendez-vous et on ne choisit pas la date puisqu’on suit les cycles et les ovulations. Il faut donc s’adapter. Je suis professeur des écoles. Je m’arrange donc avec des collègues pour que je puisse échanger mes jours de travail ou bien partir très vite après la classe pour être à l’heure. Cela implique que l’entourage professionnel soit au courant et ce n’est pas simple psychologiquement, car on n’a pas vraiment envie d’étaler au grand jour ses problèmes de santé, surtout des problèmes d’infertilité.
- Pour obtenir le résultat de l’essai fait, as-tu un rendez-vous chez la gynécologue ou fais-tu tout simplement un test de grossesse ?
- Si les règles ne parviennent pas 12 jours après l’insémination, je fais une prise de sang en laboratoire. Le taux à ce stade-là n’est décelable qu’avec une prise de sang.
Est-ce que cette démarche vous a rendu plus complice dans votre couple ? La patience est la clé de la réussite ! Nous essayons depuis le départ de ne pas nous faire trop d’illusions, les mauvaises nouvelles sont moins dures à digérer. Dès le départ, nous nous sommes jurés que si tout cela était trop lourd à porter et pouvait mettre notre couple en danger, nous arrêterons. Tout ça nous a beaucoup rapproché. On sait aujourd’hui que malgré les difficultés nous sommes là l’un pour l’autre. Nous avons déjà beaucoup de chance car je ne suis pas sûre malheureusement que ça se passe comme cela pour tous les couples engagés en PMA."